Baisser la dépense publique locale... la quadrature du cercle !
À l'orée d'une année sans loi de finances initiale, nombre de collectivités ont déjà voté leurs budgets. L'une des questions essentielles qui s'est posée à elles est de savoir comment réduire des budgets de fonctionnement mais aussi d'investissement dans un contexte financier largement incertain. La dépense locale a été brandie à plusieurs reprises par l'ancien ministre Bruno Lemaire (et d'autres) comme l'une des causes majeures du dérapage budgétaire observé ces derniers mois. La Cour des comptes ne cesse, quant à elle, de stigmatiser l'augmentation de la dépense locale comme elle l'a encore fait dans son dernier rapport sur les finances locales d'octobre 2024.
Réduire la dépense locale n'est pas seulement une demande de l'État - non formalisée d'ailleurs à l'heure actuelle en l'absence de loi de finances pour 2025 - mais aussi la conséquence d'un contexte économique difficile. De persistantes inquiétudes portent sur la situation des départements comme l'a notamment relevé une note de conjoncture de la Banque postale de novembre 2024. Les départements continuent à subir les effets néfastes du ralentissement des droits de mutation à titre onéreux dû à la faiblesse du marché immobilier (-20,4 % de baisse des DMTO en 2023) et une hausse de leurs dépenses en matière sociale. De nombreux départements ont été amenés à prendre des mesures lourdes et forcément critiquées. Ainsi, par exemple, le département de Haute-Garonne a-t-il annoncé la suppression de plusieurs centaines de postes de contractuels. De nombreux départements vont utiliser ce levier de la réduction d'emplois afin de maintenir leurs budgets soutenables. Il semblerait que, plus ou moins volontairement, des départements s'engagent sur une piste préconisée récemment par la Cour des comptes consistant à supprimer 100 000 emplois dans les collectivités locales. Les syndicats de la fonction publique ont évidemment réagi de manière négative à ces annonces. Les dépenses de personnel sont au coeur de la dépense publique locale : les réduire ne peut être simple sauf si la nécessité fait loi, ce qui est le cas pour les départements.
Les contraintes budgétaires révélées par le Gouvernement Barnier à l'automne dernier ont provoqué une vague d'annonces de restrictions des budgets de collectivités anticipant ainsi une baisse des financements étatiques. L'un des exemples les plus médiatisés a été celui de la région des Pays de la Loire. Cette dernière a décidé une réduction de 100 millions d'euros de son budget pour 2025 qui a touché de nombreux secteurs tels que la culture, le sport ou encore le social. Là encore, les acteurs concernés ont vivement réagi. La résistance à la baisse de la dépense publique locale est et sera donc très forte dès lors que les collectivités s'engagent dans un tel processus.
La gestion locale quotidienne semble, parfois, impliquer une sorte de « fuite en avant » de la dépense locale notamment en matière d'investissement. Imagine-t-on une grande collectivité dont la section d'investissement serait uniquement consacrée à l'entretien du gros oeuvre et au paiement du remboursement du capital de sa dette ? La gestion locale s'apprécie souvent à l'aune des constructions réalisées par les élus locaux. L'image du « maire bâtisseur » reste solidement ancrée dans l'imaginaire public. Les conséquences budgétaires sont lourdes car l'investissement crée, on le sait, le fonctionnement. L'année 2025 sera une année où les maires élus en 2020 vont vouloir achever la réalisation de leurs programmes électoraux. Il sera dès lors difficile d'annoncer des réductions de dépenses dans la perspective des élections de 2026.
Réduire la dépense locale appelle de la part des élus, une véritable introspection. Doit-on continuer à vouloir toujours plus d'équipements publics locaux dans un contexte de tension sur les recettes ? L'État ne peut quant à lui demander une réduction brutale des dépenses locales sans prendre en compte la difficulté pour les collectivités d'assumer des missions touchant aux besoins essentiels de la population. Plus que jamais, il est nécessaire de refonder les relations financières entre l'État et les collectivités. Mais est-ce possible en cette période ?
Bonne année à nos lecteurs !