La Lettre du Financier Territorial

Editorial

Chers transferts

Publié dans le N°406 -Février 2025
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Les transferts financiers de l'Etat vers les collectivités territoriales forment une constellation de dispositifs financiers d'une extravagante complexité. Ils soulèvent des interrogations sur leur volume, leur structure et leurs coûts de gestion.

Leur montant élevé, de l'ordre de 105 Md€, explique les emportements périodiques des ministres des Finances contre les collectivités locales. La plupart compensent pourtant des transferts de compétences ou des suppressions d'impôts locaux décidés à l'initiative des gouvernements. Et leur gonflement résulte de l'incapacité de l'Etat à créer, à la place, de nouveaux impôts locaux. Si leur poids financier est si mal ressenti c'est aussi parce que l'Etat n'a pas augmenté d'autant ses propres impôts pour suivre une logique de « fédéralisme financier » où l'Etat a le monopole des grands impôts et partage leur produit avec les autres personnes publiques.

En résulte cet étrange paradoxe : alors que notre taux de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés au monde, l'Etat et les collectivités territoriales sont tous deux gravement sous-fiscalisés. Analysant ces errements[1], la Cour des comptes constate que la réduction de grande ampleur des impôts locaux entre 2018 et 2023 a apporté des gains sensibles aux ménages et entreprises, avec toutefois des effets incertains sur l'activité économique, lesquels avaient justifié et fait accepter ces réformes. Le coût considérable pour les finances publiques s'accompagne d'une déterritorialisation aux conséquences négatives sur le plan politique et sur le fonctionnement des économies locales.

Par ailleurs, le foisonnement des transferts, près d'une cinquantaine, crée un émiettement qui interdit de concevoir des stratégies dans la durée et enferme dans des débats pointillistes. Un regroupement serait d'autant plus justifié que la relation historique avec les causes qui ont fait établir ces transferts s'est souvent beaucoup distendue. Et la péréquation serait plus efficace sur des assiettes élargies.

Conclure que le système de financement local doit être revu de fond en comble est juste et ... facile. Mais qui a l'autorité pour mener cette tâche herculéenne ? Cherchons au moins des simplifications et économies.

Ceci amène à soulever une question jamais abordée, qui mérite considération dans le contexte actuel : a-t-on mesuré les coûts de gestion que génèrent ces systèmes compliqués dans l'administration centrale et sur toute la chaine financière, ainsi que dans l'élaboration des politiques budgétaires des collectivités ? Peut-on y rester indifférent ? Chaque transfert a un régime spécifique qui nécessite son propre appareil : place en loi de finances (dépense d'une mission ou prélèvement sur recettes), gestion des bases de données pour calculer le volume à répartir, identifier les bénéficiaires et le montant dû à chacun, assurer les versements, etc. Voilà peut-être un sujet à inscrire aux Assises de la simplification que le Sénat prévoit de tenir en avril.


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