La Lettre du Financier Territorial

Editorial

Les opérateurs de l’État, ces autres boucs émissaires

Publié dans le N°408 -Avril 2025
|

Après les collectivités locales, accusées d'être responsables de la dérive des finances publiques, ce fut au tour des opérateurs de l'État d'être présentés comme des gouffres financiers. Une dénomination mystérieuse, un périmètre flou, des financements massifs par l'État : de parfaits boucs émissaires. Déclarations politiques, articles de presse et études de think tanks ont multiplié les critiques, à telle enseigne que le Sénat a créé le 6 février une commission d'enquête sur les missions des agences (103), des opérateurs (434) et des organismes consultatifs (317) de l'État, qui achèvera ses travaux début août 2025.

Ils seront herculéens vu les disparités de statuts, de missions, de taille et de financements de ces organismes. Les agences n'ont pas de définition. Beaucoup sont des opérateurs de l'État, lesquels ont comme seule unité de figurer sous ce nom dans une annexe budgétaire jaune instituée aux fins d'information du parlement. Ils ont la personnalité morale, exercent des missions d'État sous l'autorité d'un ministère et reçoivent de l'État la totalité ou l'essentiel de leurs financements. Des organismes ayant des régimes et missions proches sont ou non dans cette liste.

Trois séries de questions méritent débat.

L'excès de moyens financiers accordés aux opérateurs est un reproche artificiel pris globalement et, considérés un à un, peu d'opérateurs vivent dans l'opulence (Universités, Écoles nationales, CROUS, établissements culturels...). L'augmentation des effectifs remonte au début du siècle et celle des ressources provient principalement de taxes affectées. Les dotations, négociées avec le ministère des Finances, sont inscrites en loi de finances ce qui renvoie aux vrais décideurs. Et la Cour des comptes a tous pouvoirs de contrôle.

Mieux fondé est le questionnement sur la pertinence des fonctions assurées par certains organismes et donc sur leur pérennité. Beaucoup sont les instruments de l'interventionnisme tous azimuts de l'État et méritent d'être passés au crible. Économies et simplifications !

Le troisième débat concerne le bon mode d'organisation et de gestion des services publics. Le régime des ministères et services déconcentrés est, à l'évidence, mal adapté à de nombreuses fonctions d'État (enseignement, recherche, spectacles, musées...) pour lesquelles l'établissement public s'applique de longue date. Ils forment le gros bataillon des opérateurs.

L'affaire est plus incertaine lorsqu'il s'agit de fonctions administratives ou de régulation dans des domaines qui demandent une certaine technicité, des recrutements spécifiques et de la flexibilité : action économique, énergie, environnement, pilotage de la recherche, technologies, santé (ARS). Ici sont constatés les principaux dysfonctionnements et attendues de substantielles reconfigurations.

Les agences avaient aussi répondu à la mode de la nouvelle gestion publique et de l'approche entrepreneuriale de l'action publique, poussée assez loin dans certains pays, dont le Royaume-Uni, qui en a découvert les inconvénients et fait machine arrière. Si l'autonomie est souvent recommandée, elle ne garantit jamais, par elle-même, la performance.

Newsletter de la Lettre du Financier Territorial

Inscrivez-vous et soyez informé de nos nouvelles parutions et de l'actualité de notre site