La Lettre du Financier Territorial

Editorial

Oui, il faut des impôts locaux

Publié dans le N°385 -Mars 2023
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Depuis plus de vingt-cinq, ans la politique de l'Etat consiste à supprimer des impôts locaux, ce contre quoi la protection censée apportée par l'article 72-2 de la constitution et la loi organique d'application (CGCT art. LO 1114-1 et s.) s'est révélée d'une totale ineffectivité.

Au-delà d'une référence à des principes doctrinaux assez abstraits, comme l'autonomie financière ou le dialogue démocratique entre l'autorité publique et le citoyen contribuable, quatre raisons demandent que les collectivités territoriales disposent d'un pouvoir de décision sur des recettes fiscales.

La première est l'enracinement des politiques locales dans l'économie et la société, d'où elles tirent leurs moyens et qu'elles ont donc intérêt à faire prospérer.

La seconde raison vient de ce que les collectivités locales assument des engagements à long terme : recrutement d'agents, équipements, services publics, emprunts. Pour maîtriser le temps long, elles doivent disposer de ressources pérennes, ajustables face aux inévitables aléas.

La troisième raison tient au fait qu'une forte proportion des dépenses, formellement décidées dans le budget, sont contraintes parce que leur évolution résulte de facteurs qui ne sont pas ou peu dans la main des responsables locaux : dépenses sociales des départements et CCAS, établissements d'enseignement, dégradation de la voirie, coûts de l'énergie, taux des emprunts, charges salariales, normes nouvelles... Compenser certaines hausses par des économies sur d'autres postes est le quotidien de tout gestionnaire, mais l'exercice a ses limites vu la rigidité inhérente à beaucoup de charges. Ce besoin de flexibilité, amplifié par les disparités démographiques, géographiques ou sociologiques entre collectivités, ne peut être satisfait que par l'impôt.

La quatrième raison est que, faute de fiscalité locale, il faudrait davantage de fiscalité d'Etat, ce que celui-ci a du mal à décider et qui entraîne dès lors de graves perturbations dans le financement public. Les compensations versées par l'Etat en cas de suppressions d'impôts locaux sont réparties dans les lois de finances sous diverses présentations qui rendent la matière assez obscure. La fraction de TVA compensant la baisse de CVAE a, par exemple, tous les airs d'une dotation modulée selon des critères liés à l'évolution de cet impôt. Certains concours de l'Etat sont dans les dépenses budgétaires de ministères. S'ajoutent les aides temporaires ou spéciales en matière de transition écologique ou de filets de sécurité pour les dépenses d'énergie, etc.

Les principales dotations figurent dans les prélèvements sur recettes de l'Etat, technique reconnue par la LOLF (art. 6 : Un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales), qui sont inscrits dans les lois de finances sans être des dépenses budgétaires de l'Etat. Ils comportent deux lignes, une au profit des collectivités territoriales (45,59Md€) et une au profit de l'Union Européenne (24,99Md€) représentant 70,58 Md€ pour un total de recettes de l'Etat de 359Md€, soit 20%. Cette modalité devrait être systématique chaque fois que l'on est dans une logique de partage des recettes publiques.

Ces prélèvements sont considérés être la première utilisation des recettes de l'Etat, d'après la présentation faite dans le tableau de la loi de finances relatif à l'équilibre des ressources et des charges budgétaires. Ainsi se trouve justifié que dans les budgets locaux ces transferts sont inscrits en ressources définitives pour l'appréciation de l'équilibre réel.

Ce sont cependant là des jeux d'écritures avec beaucoup d'artifices. Toute dépense supplémentaire ou réduction des recettes de l'Etat allonge d'autant son déficit. Pour qu'il en aille autrement il devrait augmenter ses impôts ou en créer de nouveaux à hauteur des charges ainsi supportées. Comme cela est politiquement inacceptable il laisse se creuser un besoin de financement structurel qui rend encore plus difficile la réduction du déficit public. Au lieu de partage d'impôt cela ressemble donc davantage à un partage de dette.

A défaut de pouvoir concevoir un bon impôt local, serait-il envisageable de créer un impôt national dont le produit serait redistribué aux collectivités locales suivant des critères entièrement repensés et rénovés ?

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