La Lettre du Financier Territorial

Editorial

En route vers l’inconnu budgétaire...

Publié dans le N°401 -Septembre 2024
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Les élections législatives du début de l'été 2024 n'ont pas permis de dégager de majorité absolue pour aucun des trois grands blocs politiques qui structurent désormais la vie parlementaire. Trois groupes minoritaires existent qui sont chacun à la merci des deux autres. Sauf constitution éventuelle d'une coalition stable, se pose la question de la loi de finances et de la LFSS pour 2025. La France aura-t-elle un budget au 1er janvier 2025 ? Rien n'est moins sûr ! Aucune majorité n'existe clairement pour le voter tant les programmes politiques apparaissent différents. Et quel peut être le devenir du document établi par un gouvernement démissionnaire qui a poursuivi la préparation d'un budget presque neutre mais qui prévoit cependant une baisse des dépenses d'une dizaine de milliards d'euros, sachant qu'il doit être déposé au plus tard le 1er mardi d'octobre sur le Bureau de l'Assemblée ?

Le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2023 n'a pas pu être examiné par le Parlement ce qui menace la régularité de l'examen de la loi de finances par ce dernier. L'article 41 de la loi organique relative aux lois de finances dispose, en effet, que « Le projet de loi de finances de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote par celle-ci, en première lecture, sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année afférent à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de finances ». Il faudra donc réunir le Parlement en septembre afin qu'il examine (et rejette sans doute) ce que l'on appelait traditionnellement la loi de règlement.

Pour ajouter à un climat budgétaire complexe, la France se trouve placée dans une procédure de déficit excessif par l'Union européenne. Elle devra rendre compte de ses finances à la fin septembre 2024. Si le Nouveau Front populaire parvenait à conquérir le pouvoir exécutif, il a indiqué ne plus vouloir suivre les règles du pacte de stabilité budgétaire. L'État français peut-il prendre le risque d'un affrontement direct avec les institutions de l'Union européenne et se désintéresser de la réaction de nos partenaires européens et des marchés financiers dont dépend la dette publique ?

En l'état actuel de la situation politique, le projet de loi de finances a de bonnes chances d'être rejeté quel que soit le gouvernement, à moins d'un compromis de dernière minute, personne ne voulant assumer la politique du pire. Les conséquences seront importantes. Il faudra voter en urgence une loi autorisant la perception des impôts à compter du 1er janvier 2025. Le gouvernement devra prendre des décrets de répartition des crédits, sur la base des « services votés », qui sont, globalement, les crédits de l'année précédente et qu'on reprend par douzième.

Quelles seront les conséquences pour les collectivités territoriales ? Dans le cas de la mise en oeuvre d'une loi de finances spéciale, on garde les dotations de l'année précédente : on ne touche à rien ! La fiscalité locale serait reconduite avec une interrogation sur la revalorisation des bases et la DGF serait logiquement gelée.

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, il ne devrait pas y avoir de problème immédiat puisqu'elles dépendent du vote des budgets locaux qui peut se faire jusqu'au 15 avril. En revanche, les projets d'investissement pourraient être bloqués ou repoussés car les règles en matière de dotations d'investissement (DSIL, DETR, fonds vert, etc.) sont actualisées en loi de finances. Elles seraient a minima gelées dans leur montant.

Finalement il n'y aurait pas forcément d'effet à très court terme pour le soutien à l'investissement local des collectivités. Cependant, à moyen et long terme, la situation pourrait devenir difficile si le Parlement ne parvenait pas à voter un budget permettant d'actualiser et d'adapter les dotations d'investissement.

Pour la première fois depuis 1958 et l'instauration de la Ve République, l'absence de majorité parlementaire stable pour voter une loi de finances entraîne la France en terra incognita !

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