Qualité de « tiers intéressé » d’une région ou d’un département dans un litige
Recevabilité de l'intervention libre d'une région dans un litige pour appuyer l'action de l'une des parties à l'instance qui conteste une autorisation environnementale portant sur un parc éolien.
- Conseil d'État, 6e et 5e chambres réunies, 12 juillet 2024, Association regards de la Durande c/ Boralex , n° 464958, conclusions M. Frédéric Puigserver, rapporteur public
Le Conseil d'État est très restrictif à reconnaître la qualité de « tiers intéressé » d'une région ou d'un département dans un litige portant sur l'aménagement d'un parc éolien.
En l'espèce, c'est la demande d'intervention de la région AURA (Auvergne-Rhône-Alpes), en cassation et en soutien au pourvoi de l'association requérante, qui retient l'attention. Elle demande à intervenir dans un litige dans lequel est contesté un refus opposé à l'autorisation environnementale d'un parc éolien. Mais la situation serait identique si la demande d'intervention de la région visait à soutenir l'autorisation d'un tel projet. La question centrale est celle de l'étendue des compétences des régions depuis la suppression de la clause de compétence générale dont elles bénéficiaient avant l'application de la loi NOTRe. Jusqu'ici, au regard des compétences des régions, le Conseil d'État avait dénié l'intérêt à intervenir des grandes collectivités dans un tel litige afin de retenir l'intérêt à agir des communes qui, elles, sont directement impactées, tant sur la qualité de leur environnement que sur leur activité touristique, compte tenu de la proximité de monuments historiques, de sites inscrits, ou encore de zones naturelles à préserver (Conseil d'État, 1er décembre 2023, Département de la Charente-Maritime). Le Conseil d'État s'est fondé jusqu'ici sur l'aspect restrictif de la compétence d'attribution des régions, privilégiant le niveau impacté par tout projet, le niveau communal. L'émiettement des communes, leurs stratégies propres, pouvaient nuire à une lisibilité et une visibilité de leur action.
Le Conseil d'État s'est donc reposé ici la question de l'intérêt suffisant des régions dans un tel litige.
«... La région Auvergne-Rhône-Alpes justifie, compte tenu notamment de ses compétences en matière de développement touristique régional et eu égard à la nature et à l'objet du présent litige qui concerne des sites et monuments d'intérêt majeur au plan régional tels que la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien du pourvoi de l'association Regards de la Durande et autres. Son intervention est, par suite, recevable... ».
Le rapporteur public, dans ses conclusions, a clairement plaidé en faveur de l'intervention de la région AURA, « au regard des inconvénients ou des dangers mentionnés à l'article L181-3 du Code de l'environnement », qui par renvoi, mentionne entre autres les dangers pour la protection de l'environnement et les paysages ou encore la conservation des sites et monuments. Le Conseil d'État va suivre ses conclusions, au vu des circonstances de l'espèce, des enjeux pour les sites impactés, et sans en faire une règle générale. Parmi les monuments impactés, il y a, entre autres, la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco.
Il restera au Conseil d'État de juger si une région, eu égard à ses compétences spécifiques, peut directement attaquer ou défendre une autorisation environnementale.